
Le chant du silence et de la poussière
Il vint un temps où mon âme, lasse de cheminer,
se coucha sur la pierre froide du silence,
et ne demanda plus rien.
Je dis à la terre :
« Reçois-moi sans condition,
car je suis las d’être celui qui porte,
celui qui voit,
celui qui sait. »
J’avais tendu les bras à tous les passants,
offert mes mots comme des sources,
ouvert mes mains comme des berceaux.
Mais à force d’étreindre le monde,
j’avais oublié comment m’asseoir en moi.
Et j’eus soif — non d’un savoir plus grand,
mais d’un oubli.
Un oubli vaste, vaste comme le ciel avant l’aube.
J’eus soif d’un lieu où je pourrais être inutile,
et pourtant entier.
J’eus envie de disparaître, non par douleur,
mais par fatigue d’être visible.
J’eus envie de me dissoudre dans un cri muet,
que personne n’entend,
et que pourtant la pierre comprend.
Je ne voulais plus comprendre.
Ni traverser.
Ni accueillir ce qui vient.
Je voulais ne pas venir.
Je voulais ne pas être appelé.
Je dis : « Que mon nom s’efface des lèvres des hommes,
que mes pas cessent de tracer des sentiers,
et que mon cœur devienne un jardin sans portails. »
Et je me suis retiré.
Pas dans la montagne.
Mais dans ce recoin nu de moi
où il n’y a ni feu, ni offrande,
ni chant.
Et là, dans l’absence de tout,
j’ai entendu le battement ancien.
Pas celui de la mission.
Ni de la foi.
Ni du don.
Mais le battement de l’être seul.
Né sans appel.
Présent sans pourquoi.
Et j’ai vu :
rien ne m’attendait.
Ni Dieu.
Ni les anges.
Ni les visages que j’avais aidés.
J’étais venu au monde comme une goutte d’eau sur une pierre.
Sans mandat.
Sans rôle.
Sans nécessité.
Et pourtant, j’étais là.
Et j’étais vivant.
Et cela — dans son silence — était plus vaste que tout ce que j’avais jamais enseigné.
Alors j’ai pleuré.
Pas de tristesse.
Mais de renoncement.
J’ai laissé tomber mes outils.
Mes postures.
Mes sagesses.
Mes titres.
Mon nom.
Et j’ai dit au vent :
« Je suis poussière.
Et cela suffit. »
🌱 Issâ Padovani
Si ce texte vous plaît et que vous souhaitez le partager, merci de le faire uniquement en utilisant un des boutons de partage en bas de cette page.